Agathe Janni, skieuse et journaliste freelance depuis 2008 exprime un ras-le-bol répandu, sur le système du FWT
Pourquoi tout le monde en parle ?
Ils sont actuellement 62 riders toutes catégories confondues à courir sur ce circuit unique qu’est le Freeride World Tour. Ils représentent l’élite mondiale du ski et du snowboard freeride. Ils ne seront plus que 46 en 2018. La nouvelle fait l’effet d’une bombe ou d’un mauvais teaser de Koh Lanta – on ne saurait trop dire – au sein du Freeride World Qualifier, la deuxième division du FWT. Le FWQ qui n’est ni plus ni moins que la vache à lait du FWT compte près d’un millier de participants. Chacun espère pouvoir un jour se qualifier – car c’est censé être le but – pour prendre le départ sous la légendaire porte Swatch aux côtés des plus grands sous les feux des projecteurs.
Pas besoin d’avoir fait math sup’ pour comprendre que suite aux dernières décisions prises par le FWT il est statistiquement plus probable de replaquer un double cork sur une cliff de 15 mètres pendant un speed check plutôt que d’avoir un jour cette opportunité. C’est compter sans la présence des Wild Card distribuées au bon vouloir de l’organisation : comprenez le collier d’immunité – pour rester dans la comparaison à peine exagérée avec Koh Lanta – qui permet à X de sauter la case FWQ parce que son team manager est un pote du grand patron aka Nicolas Hale-Wood. Un procédé qui a tendance à en exaspérer plus d’un et ce n’est pas Wadek Gorak, un habitué des podiums FWQ qui dira le contraire : « Pour moi c’est une honte de donner des Wild Card à certaines personnes qui ne le méritent pas alors que d’autres riders FWQ ont énormément de talent. »
William Cochet, un autre habitué du circuit FWQ sur lequel il court depuis 6 ans, répond à nos questions sans hésitation :
– Que penses-tu de cette nouvelle réforme des quotas ?
« Ce n’est pas une mauvaise idée : notre sport a besoin de plus de visibilité donc d’une facilité de diffusion. Cela permettra un show plus important sur le FWT car aujourd’hui beaucoup de riders cherchent uniquement a sécuriser leur place pour l’année d’après. Avec ce changement il faudra jouer un peu plus pour rester qualifié. Après, il faut que l’équité soit là… cette reforme reste juste au niveau des skieurs mais elle est dommageable pour les filles et les snowboarders. »
– Quelle serait selon toi la bonne formule pour que le FWT soit le meilleur circuit mondial ?
« Je pense que le FWT en lui-même l’est déjà mais qu’on devrait donner plus d’importance au FWQ, comme en surf, via la creation d’autres divisions. À mon sens une division Europe de 35 riders avec 5 étapes du type 4* serait déjà un bon debut pour les riders qui veulent monter. Et pour ceux qui descendent cela éviterait de se retrouver noyé dans la masse ! Une réduction des étapes 4* permettrait aussi de ne plus jouer sa vie à chaque course… »
L’envers du décor
Pour permettre à tout un chacun de bien comprendre la situation sachez que le coût d’inscription moyen sur une étape FWQ 4* est d’environ 130 euros et qu’il faut non seulement participer, mais aussi scorer sur trois étapes de ce type durant l’hiver pour pouvoir envisager d’accéder un jour au sommet du classement général FWQ qui autorise quelques pauvres bougres à finalement se qualifier sur le FWT l’année suivante… Mais à quel prix ?
Difficile dans ces conditions de prendre au sérieux ce format de course qui se veut être une référence mondiale de la compétition de freeride, mais qui dissimule à peine son mépris de l’égalité des chances. De nombreux riders se disent usés par ce système qui fait polémique depuis plusieurs années pour ses pratiques douteuses : remboursements difficiles, voire impossibles, en cas d’annulation, critères de jugement controversés du fait de la confrontation des deux écoles « Big Mountain » et « Backcountry », non-respect des règles de base sur certaines étapes décisives, etc. Nous avons interrogé un ancien rider FWT sur la question des quotas qui a choisi de rester anonyme : « Je ne me prononcerai pas là-dessus. Le FWT a toujours changé les règles comme bon lui semblait. J’ai arrêté les compétitions en partie à cause de tout ça. Les Wild Card sont attribuées en fonction de la nationalité et du sponsor. Ils font ce qu’ils veulent et je n’ai plus envie de me prendre le chou avec ça. Après j’y ai passé du bon temps. » Luigi Ferrando, ex-organisateur de l’Artesina Freeride Fest
aborde ce sujet avec beaucoup de recul et de parcimonie : « Il ne faut pas sous-estimer la dimension économique du FWT, car tous ces circuits – FWT, FWQ et FJT pour les juniors – appartiennent à un seul privé qui a une entreprise à faire tourner. Le FWQ est surtout là pour créer un public et générer de l’audience afin d’attirer de gros contrats de sponsoring comme Swatch et Audi. »
De nouvelles perspectives d’évolution
Pour ceux qui croient encore que le siège du Freeride World Tour Management SA se situe juste à côté du monde de Mickey et non pas à Lausanne, ne perdez pas espoir, car les nouvelles ne sont pas si mauvaises pour vous : le communiqué se veut tout de même rassurant et offre à deux riders FWQ la possibilité de rejoindre le Pro Freeriders Board, un conseil décisionnel qui ne décide pas grand-chose, mais qui participe tout de même au débat et c’est déjà pas mal ! Alors si toi aussi tu es un rider FWQ – et c’est probablement le cas si tu es allé au bout de ces lignes, car à par toi tout le monde s’en fout – que tu souffres de ton anonymat et de ton découvert bancaire, il te reste 10 jours pour postuler. Songe à ta reconversion ! Autrement pose ton dossard, branche ton ARVA et va rider avec tes potes.
Le plaisir d’une ligne entre copains après avoir porté ses 5 kilos de matos sur le dos pendant 45 minutes d’ascension, avec du gobelet jusqu’à la taille : voilà une gloire qui n’a pas de prix.
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